Le Déluge est le dernier ouvrage publié de Leïb Rochman, écrivain aux textes rares et dont l’immense roman À pas aveugles de par le monde fait figure de chef-d’œuvre inégalé de la littérature yiddish. Paru peu avant sa mort en 1978, Le Déluge évoque, à travers dix nouvelles, la tentative d’extermination des Juifs d’Europe et la possibilité pour la communauté d’y survivre.
Fidèle à son travail formel sur la possibilité de dire, d’écrire, de figurer ce qui se joue dans l’indicible, le style de l’auteur atteint ici son apogée. Ces nouvelles à la puissance et à l’intensité dévastatrices mélangent réalisme et fantasmagorie et flirtent avec le fantastique. Tout est visions, hallucinantes et hallucinées. On y retrouve les obsessions de l’auteur : la destruction du monde, la mise à mort des hommes et la coexistence des morts et des vivants.
Rochman nous entraîne au cœur des ténèbres, dans un camp à peine démantelé où des femmes donnent naissance à des enfants de cendres, sur les pas d’un homme que les visions assaillent alors qu’il tente de fuir le ghetto avant l’assaut, au cœur d’une Jérusalem cauchemardesque hantée de cadavres, et achève ainsi son implacable exploration, à travers la littérature, de l’horreur de la Shoah.