Préface de Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue
À la fin des années 2000, Sophie Képès est convoquée au palais de justice de Paris. Désignée en tant que juré de cour d’assises, elle sera par trois fois tirée au sort pour examiner des affaires de viols et d’abus sexuels sur mineurs, jugées à huis clos.
Il y a cent ans, en 1912, André Gide faisait lui aussi cette expérience de juré d’assises. Il en produisait un texte, paru en 1913, Souvenirs de la cour d’assises, qui donnait un aperçu de la justice à son époque et suggérait des améliorations possibles.
Sophie Képès, engagée depuis toujours à tisser un lien entre écriture et citoyenneté, s’interroge à son tour sur ce que c’est que juger. Pourquoi une telle intensité de l’expérience ? Comment décrire cette forme sociale exceptionnelle ? Questionner son propre rapport au châtiment, la valeur de la parole en l’absence de preuves concrètes, explorer de l’intérieur la psychologie de l’agresseur et de la victime, avec leurs ambiguïtés, observer de près le fonctionnement de la justice, c’est tout l’enjeu de l’ouvrage. Par des références régulières au texte de Gide, elle nous donne à voir ce qui a changé ou non en cent années de justice de la République.